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Avr 10

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Accords MEDEF. La couverture santé, si extensible que ça ?

La couverture santé proposée sera-t-elle si extensible que ça ? Derniers éléments de réponse.

Pour la somme considérable de 4 milliards d’€ (50% à la charge des salariés), juste 400 000 salariés (sur 4 millions de salariés non couverts) seront finalement susceptibles d’être couverts par l’ANI transposé. Faites les calculs pour voir à quoi cela correspond par  »tête de pipe » ! C’est effarant ! Ceci, selon les dernières expertises révélées par Jean-Paul Benoît, président de la Fédération des Mutuelles de France (FMF).

C’est bien chère pour peu de résultats (pour possiblement 1/10° des salariés non encore couverts). le panier de soins proposé est de plus rachitique, même pas au niveau du bas de la cheville de la CMU. En effet, pour 1, 9 milliard d’€, la CMU couvre plus de 4 millions d’usagers et avec un bon panier de soins.

Avec 4 milliards, imaginez ce que la sécurité sociale auraient pu faire pour l’ensemble des Français !

Dans quelles poches iront donc les 4 milliards d’€ de l’extension de la couverture mutuelle ? Pas dans celles des salariés en tout cas, probablement dans celles des assureurs, mais également celles des entreprises qui bénéficieront à cette occasion de remise de cotisations sociales.

(Nous ne reparlerons pas des autres aspects abordés dans le feuilleton N°1, accord MEDEF-Pas-Tout-Seul)

Votre employeur vous proposera donc un contrat de travail assorti d’un Contrat Groupe Obligatoire de Complémentaire Maladie*¹, parfois résultant d’un accord de branche qui s’impose à lui ou il en mettra un en place. Le MEDEF a fait un gros travail de lobbying auprès du gouvernement et des  »partenaires sociaux ». C’est le patronat de l’assurance qui sera ravi. Les assurances Prisme-D&O et Médéric-Malakoff (géré par Guillaume Sarközy de Nagy-Bocsa , frère de Nicolas) sont maintenant bien placées pour décrocher de futurs contrats d’entreprise.

Or « Les contrats groupes depuis 20 ans qu’ils se développent ont abouti, d’abord à des restructurations de ressources pour la SS », du fait des réductions  »de charges sociales » ( Jean-Paul Benoît, président de la FMF)

Nous avions noté, dans le feuilleton N°1 (de l’Accord du  »MEDEF-Pas-Tout-Seul »), cet effet d’aubaine que cela constituait pour les entreprises et les assurances privées, qui rêvaient de cette mesure.
Mesure, qui anticipe la « mise en concurrence de la sécurité sociale », car pour 2016, il est prévu la mise en cause du monopole de l’URSSAF pour collecter les cotisations.

C’est donc le service public de la S.S., qui est menacé. (Relire feuilleton N°1) La sécurité sociale rembourse de moins en moins et les mutuelles prennent de plus en plus en charge le remboursement des soins. De complémentaires, Les mutuelles n’ont bientôt plus que le nom. Les complémentaires ont tendance aussi à être happées par la logique des assurances privées*², depuis leur souci d’être reconnues et intégrées dans et par les institutions européennes.

Des complémentaires de plus en plus chères, avec des remboursements à géométrie variable suivant la bourse de l’assuré et le module choisi. Chacun comprend où cela nous conduit. Ce qui veut dire qu’il faudrait obligatoirement une protection de base très forte pour espérer avoir une bonne complémentaire.

« En plus, les contrats groupes depuis 20 ans qu’ils existent ont participé au développement et à la  »solvabilisation » des dépassements de tarifs et d’honoraires. Donc si on les généralise dans l’état et que pas d’autres mesures sont prises. On a un très, très gros risque de désorganisation supplémentaire de notre protection sociale et solidaire » ( Jean-Paul Benoît, président de la FMF).

C’est particulièrement visible avec les soins dentaires. Les tarifs suivent les remboursements des complémentaires selon les modules les plus coûteux. Les usagers modestes ne peuvent plus se soigner et les chirurgiens dentistes font des profits exponentiels. Mais, ces profits ne manqueront pas de se heurter à des limites, celles de la mise à mort de leur vache à lait (SS) et celles de la paupérisation accélérée des usagers.

Jean-Paul Benoît conclue : « L’ANI est une catastrophe pour la protection solidaire. C’est très, très nocif pour la SS ! »… « Donc ça ! Ce n’est pas une bonne nouvelle pour les mutuelles », qui normalement « ne sont pas là pour conquérir des parts de marchés[*³]. Elles sont là pour assurer l’accès aux soins de leurs assurés. Pour avoir accès aux soins, la première chose, c’est d’avoir une SS du plus haut niveau possible et la plus forte possible. Or là, on va encore la fragiliser et la faire reculer », une bonne mutuelle pour tous découle de cette solide protection de base.

Or l’ANI et Germain (rapporteur de la loi) ne se propose pas, de nous donner les moyens d’une Assurance Sociale couvrant à 100% les soins avec déjà 4 milliards de cotisation en plus. Là, il est visible que l’ANI concerne tous les citoyens et que l’on ne doit pas sacrifier notre code du travail au nom d’« un nouveau modèle économique et social dont la toile de fond serait l’instauration d’un compromis permanent entre le patronat et les salariés. Ce serait un véritable recul historique » (extrait du tract unitaire appelant à la manifestation du 9 avril). La loi c’est bien au parlement de la faire et pas sous la contrainte de  »partenaires sociaux ». Les citoyens sont majoritaires !

L’ANI, est-que c’est bon au moins pour la productivité ? Que nenni ! Les bonnes conditions de travail, la santé, la bonne alimentation, les loisirs de qualité, comme l’éducation et le reste sont une nécessité pour entretenir la force de Travail. Essayez de donner à des esclaves des mauvais jeux et pas de pain !…

Ce nécessaire entretien de la force de travail a été externalisé au fil du temps au frais de la collectivité. (Le patronat des mines gérait le logement , l’éducation et les soins. Tout cela à minima évidemment). Mais maintenant voilà que l’augmentation du taux de profit réclame le sacrifice de l’État social (Réflexion à poursuivre sur la fonction de l’État providence).

La France, jusqu’à présent, grâce à sa protection sociale et son État sociale a encore un des taux de productivité parmi les plus élevé du monde. Pour combien de temps à ce régime ?

Regardons pour une fois du côté des USA. À San Francisco, une loi oblige depuis 2006 les patrons à financer de 5 à 9 jours de congés payés par an, selon la taille de leur entreprise. Or, à la suite de ces mesures, « les emplois et entreprises se sont multipliés. Le nombre d’emplois y a augmenté de 3,5% entre 2006 et 2010, souligne une étude de l’Institut Drum Major. Sur la même période, il a chuté de 3,4% dans toutes les villes alentours. Même constat pour le nombre d’entreprises, qui a augmenté de 1,64% entre 2006 et 2008, alors qu’il chutait de 0,61% à proximité. L’État du Connecticut a constaté les mêmes effets positifs depuis qu’il a passé une loi similaire en 2011. » (citation de la revue Regards, »États-Unis : percée timide du droit à l’arrêt-maladie Par Christelle Gérand, 4 avril 2013).

Ce qui est vrai pour les congés, est vrai pour toutes les conquêtes sociales. L’ANI, en s’attaquant au principe même de ces conquêtes réalisées dans les luttes et la souffrance, c’est-à-dire au principe de faveur et à la hiérarchie des normes, s’attaque au bien-être humain.
Encore une incidence citoyenne !

Selon bon nombre d’études, l’esclavage est moins productif que le salariat. Maintenant, si le libéralisme nous fait régresser socialement à la période d’avant Zola et que notre condition salariale prennent les formes et le contenu de l’esclavage, la civilisation s’évaporera ainsi que les conditions minimum pour la profitabilité des puissants. Ce sera au prix également de notre écosystème.

Cette lutte contre l’ANI est connectée aux autres luttes. Les derniers outrages à la décence citoyenne, la morgue des oligarques, la droite et le fascisme renaissant (manifestation du 24, voir dans rubrique tribune :  »Manifestation hier organisée par Frigide Barjot » ainsi que  »Naissance d’un mouvement fasciste de masse ? ») doit nous voir non seulement défiler nombreux le 9 avril, le 1° mai et le 5 mai, mais également nous galvaniser pour envisager de prendre nos affaires en main dans les quartiers et les entreprises.

Il nous faut lutter collectivement et oser prendre nos affaires en main. En ce qui concerne les mutuelles, cela demande que nous investissions les Assemblées Générales et prenions au mot le sens mutualisme. Les mutuelles sont aussi le fruit du mouvement ouvrier. Nous ne devons pas les laisser péricliter et dériver.

Les assureurs sont aussi des salopards !

Gorgeons de sève citoyenne nos assemblées, nos places et préparons-nous à prendre ensemble concrètement le pouvoir et jamais plus pour que d’autres le prennent en notre nom !

Bon courage ! Bonne mobilisation déjà pour le 9 avril !

« Que se vayan todos ! »

Theo DUCHON.

*¹[Voici une liste des vingt premières institutions de prévoyance du marché (en chiffres d’affaires – en 2007- D’un peu plus de 2000 millions d’euros à un peu plus de 100 M€) :
ProBTP, AG2R-Isica, Prisme-D&O, Médéric-Malakoff, Novalis, Apicil, Apri, Mornay, Agrica, Ionis, IRP Auto, Réunica-Bayard, Vauban-Humanis, Audiens, Ircem, Ipeca, Ariès, Arpège, Capssa]

*²[ « Finalement, l’entrée des mutuelles dans la réglementation communautaire les soumit à la législation concernant l’établissement d’une concurrence non faussée sur le marché de l’assurance. »  »Mutations de la protection sociale complémentaire sous l’influence des directives européennes »,Gaël Coron et Laurence Poinsart (Février 2006)

« Faute d’inscription constitutionnelle dans les traités européens, l’approche idéologique dominante à la Commission pousse celle-ci à exacerber la coupure – et l’opposition – entre coopératives et associations, comme entre mutuelles et services sociaux. Cette séparation entre action économique (qui ne relèverait que de la concurrence) et action sociale (qui pourrait être assimilée à un service d’intérêt général) est totalement contraire au fondement même de l’économie sociale. » Danièle Demoustier, L’économie sociale et solidaire, La Découverte, Paris, 2003, p186.]

*³ [Nous avions noté dans le feuilleton N°10, la dérive des Institutions Paritaires de Prévoyance où certains syndicats trouvent des ressources. Nous pouvons évoquer maintenant la possibilité de conflits d’intérêts afférents. Donc vigilance.]

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