L’hiver budgétaire qui s’annonce…
Par Christiane Chombeau | Publié : 18 février 2014
Colombes, comme toutes les communes de France, subit la crise mais aussi la politique d’austérité imposée par le gouvernement. Ce dernier a programmé, cette année, une diminution de la dotation globale de fonctionnement versée aux collectivités locales de 1,5 milliards d’euros. Un montant jamais vu, qui s’ajoute aux coupes des précédentes années et aux missions toujours plus nombreuses dont l’État se défausse sur les collectivités locales. Et 4 milliards supplémentaires sont programmés d’ici à 2017.
Le 6 février, le conseil municipal était invité à débattre des orientations budgétaires pour 2014, dans ce contexte. Un débat lunaire organisé pour éviter… le débat ! Comment dire en effet, en cette période d’élections municipales, que l’heure des grands projets est derrière nous ?
Des orientations futures il ne nous a été délivré que de vagues pistes. La droite, le centre et moi même, seule élue du Parti de gauche (1) n’avions pour faire notre opinion qu’un document abordant pour les 4/5 le contexte européen, national et la situation présente de Colombes. L’intervention de l’adjoint aux finances, consacrée essentiellement au bilan de la municipalité pour la mandature, ne nous a guère plus éclairés sur les fameuses orientations dont nous devions débattre.
Une partie de la droite, celle conduite par Nicole Goueta, maire de la ville de 2001 à 2008, a choisi l’esclandre en quittant bruyamment la salle du conseil pour ne plus y revenir, préférant finir la soirée avec ses colistiers dans un restaurant du centre ville.
Pour notre part, nous avons choisi de répondre au maire avec qui nous ne partageons ni sa vision optimiste de la soi-disant reprise, ni son choix de faire la promotion de la politique d’austérité du gouvernement. Nous nous sommes notamment fait un petit plaisir en rappelant à Philippe Sarre en quels termes, il y a deux ans, il vilipendait, devant cette même assemblée, la politique de Nicolas Sarkozy qui faisait supporter sa politique d’austérité aux collectivités locales.
S’il ne tient plus du tout le même discours alors que François Hollande poursuit la politique de son prédécesseur, nous n’avons pas au Parti de gauche changé d’avis. Nous nous opposons toujours aux politiques d’austérité qui font payer la crise aux salariés, pèsent sur les plus faibles et favorisent le MEDEF, même si cela doit m’isoler au sein de l’assemblée communale… En bientôt six ans de mandat, il m’est arrivé plus d’une fois d’avoir à défendre une position singulière, comme ce fut le cas sur l’ouverture des commerces le dimanche.
Voici l’intervention que j’ai faite dans le débat d’orientation budgétaire:
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=eJVsuIE9Eto
« Monsieur le maire,
je constate que, dans le document remis pour le débat, vous liez avec raison les orientations municipales à la politique nationale et européenne.
Permettez-moi cependant de ne pas partager votre optimisme sur l’avenir économique et social de la France, sauf pour les actionnaires et les nantis qui deviennent toujours plus riches quand les autres s’appauvrissent.
Responsable départemental et national du parti qui concentre aujourd’hui tous les pouvoirs, vous ne désavouez pas la politique gouvernementale. Vous le faites d’autant moins que soutien de François Hollande lors des primaires vous n’avez pas dû être étonné de son coming out libéral et vaguement social de ces derniers jours.
Contrairement à vous, le Parti de gauche et moi-même craignons que les dernières mesures libérales gouvernementales assombrissent l’horizon des Français à qui on demande toujours plus de sacrifices. Seul un changement radical de politique pourrait redonner un espoir à nos concitoyens.
Mais revenons au document qui nous est présenté.
Un optimisme déraisonnable
Le bilan que vous faites de l’année 2013 est plus flatteur que la réalité. Ainsi : vous interprétez le « rebond de 0,5% de l’activité économique au deuxième trimestre » comme « un point de retournement ». Cela est très discutable. D’une part parce que ce « rebond » était porté pour l’essentiel par des achats inhabituels d’énergie dus à la mauvaise météo du printemps. Ensuite parce qu’on ne peut ignorer que la croissance s’est ensuite repliée de 0,1 point au troisième trimestre.
Les perspectives macroéconomiques sur lesquelles vous fondez le budget sont à cette aune, très hypothétiques. Je note d’ailleurs beaucoup de conditionnels dans le rapport qui nous est communiqué.
Le redémarrage de l’emploi ? Dans sa dernière note de conjoncture, l’Insee prédit au contraire que le chômage continuera d’augmenter jusqu’en juin au moins, puisque sa prévision ne porte que sur les six premiers mois de l’année.
Le redémarrage de la demande mondiale qui « conditionne » votre scénario ? De nombreux économistes alertent déjà sur les effets négatifs d’une crise dans les pays émergents. Cette crise a affolé les principales places financières ces derniers jours. Et pour cause… Les banques européens y sont exposées à hauteur de 3 trillions de dollars, et cette crise contribue par contrecoup à renchérir l’euro ce qui n’est pas bon pour nos exportations sur lesquelles sont pourtant fondées les perspectives de reprise de votre scénario.
La seule certitude, c’est que l’engagement de la France auprès des instances européennes de diminuer les dépenses publiques va impacter fortement les collectivités locales, et notamment Colombes. C’est le prix à payer pour avoir accepté le traité de Lisbonne et renoncé à renégocier le traité budgétaire européen. Merci à Nicolas Sarkozy et François Hollande.
Le changement, c’est maintenant… en effet
Je me souviens, Monsieur le maire, des propos que vous nous teniez lors du débat d’orientation budgétaire du 8 mars 2012, il y a donc deux ans. Vous vous disiez alors très « réservé », je vous cite, sur « la volonté du gouvernement de faire participer les collectivités à l’effort de désendettement de l’Etat ». Et vous jugiez alors « les arguments avancés (par le gouvernement Sarkozy-Fillon) assez fallacieux et les conséquences dangereuses » pour le rôle d’investisseur des collectivités. A juste titre, vous considériez qu’il était, je vous cite encore, « pour le moins incongru de solliciter des collectivités au remboursement de la dette de l’Etat, qui s’est nettement creusé à partir de 2007 sous l’effet de la crise certes, mais également sous l’effet d’une diminution des ressources de l’Etat induite par une politique fiscale du gouvernement dont » il ne vous semblait pas « que les résultats soient particulièrement évident ni surtout que l’effet soit particulièrement juste ».
Vous évoquiez à cette époque « une perte estimée pour Colombes à 200 000 euros ». La perte sera en 2014 de 1,21 millions d’euros, six fois plus.
Mais curieusement le rapport qui nous a été remis ne parle plus de « perte » mais d’« un prélèvement exceptionnel ». Ce prélèvement est tellement exceptionnel que l’on sait déjà qu’il sera au moins reconduit en 2015 et qu’il a toutes les chances d’augmenter ensuite avec la mise en œuvre du pacte dit de responsabilité, qui est en réalité un cadeau de l’Elysée au Medef.
On ne parle plus de « perte » donc mais d’« une participation de Colombes à l’effort national de redressement des comptes publics et à la mise en place du CICE ». En clair, vous acceptez aujourd’hui, ce que vous contestiez il y a deux ans. Le changement, c’est maintenant… en effet.
Budget du CCAS: + 12,6%
Et pourtant, comme il y a deux ans, on nous contraint à financer une politique fiscale gouvernementale qui choisit sciemment de diminuer les recettes de l’Etat par un cadeau de 20 Milliards d’euros aux entreprises, dont les résultats ne sont pas plus évidents aujourd’hui qu’hier. Et d’ailleurs si cette politique donnait des résultats, il n’y aurait pas lieu d’augmenter le budget du CCAS de 12,6%.
Cette politique fiscale n’est pas plus juste puisque ce crédit d’impôt accordé aux entreprises sans contrepartie ni contrôle d’aucune sorte notamment en matière d’emploi est financé pour une part par une augmentation de la TVA, l’impôt socialement le plus injuste qui soit, et pour une autre part par une réduction des dépenses publiques qui va affecter le fonctionnement des services publics qui sont le bien commun de nos concitoyens, surtout quand ils ont peu de biens.
A ce désengagement de l’Etat, s’ajoute d’autres diminutions de recettes pointées dans le rapport, alors même que l’Etat continue de transférer des charges aux communes « pas toujours très bien compensées », comme vous le notiez il y a deux ans. C’est le cas notamment de la modification des rythmes scolaires. Tout cela me fait craindre que le budget que nous aurons à examiner soit un vrai budget d’austérité. Vous nous indiquez déjà que les charges à caractère général seront en baisse de 2,4% par rapport au budget primitif de l’an dernier. J’ai du mal à croire que ce sera le seul domaine dans lequel des coupes seront nécessaires. Nous prenons bonne note que vous ne demanderez pas une augmentation d’impôt dans ce contexte où les Colombiens comme beaucoup de Français n’en peuvent déjà plus.»
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(1) Depuis ma décision, qui est aussi celle du PG, de ne pas briguer un nouveau mandat avec la liste PS-PCF-EELV conduite par le maire sortant, je ne participe plus aux réunions de la majorité sur le budget. Je n’avais donc pour forger mon opinion que les documents fournis aux conseillers municipaux d’opposition, ce budget étant de facto un élément clef du programme de la liste « Colombes avance ».